Sans-queue-ni-Tige

voilà, ça, c'est vraiment magnifique.
c'est vraiment, un truc comme je les aime.
avec des racines des balançoires des formes gracieuses.

_Pourquoi aimez-vous les arbres ?
_Je pense que c'est parce qu'ils me font de la peine. Regardez-les par la fenêtre. Ils se font secouer comme des sauvages alors que nous, nous sommes rentrés quand le vent s'est levé.
_Oui c'est vrai.

je peignais mon bon mètre de toile pendant que toute la maison dormait
avec les volets tous fermés presque dans l'obscurité après tout
juste mon ampoule au plafond
je me disais que rien ne pouvait plus me combler, que ce pinceau dans ma main,
mes palettes et les tubes étalés sur le parquet, mon visage à 3 cm de la surface.
c'est assez effrayant, de toucher ce qui nous comble au maximum
Les vacances de Renaud.
car Renaud en vacances, il fait de la voiture, et j'ai choisi le moment où
il regarde par la fenêtre. heureusement.
au petit matin il était sur son chevalet je l'ai vu comme si je ne l'avais pas fait.
je me suis juste dit que les éoliennes entraient mal dans le sol
je ne suis pas sûre que ce soit une très bonne idée, la photo, elle aplatit tout
et bousille les feuilles le vent la terre. on y voit plus rien.

le monsieur à côté de moi était aveugle. ne voyait pas. pas du tout.
il touchait le rebord du trottoir avec sa canne.
je pense qu'il entendait le bus arrêté sur le passage piétons, qui nous barrait la rue.
il entendait sans doute son ronflement de bus oui.
il était un peu comme moi à ne pas savoir quand y aller, par ou passer.
moi, j'avais anna ternheim dans les oreilles.
j'aurais bien aimé lui dire venez donc un peu sur le côté, on peut passer par là à droite,
c'est vert c'est à notre tour. mais ça je n'ai jamais su trop faire.
et bientôt tout le monde aurait traversé.
il fallait y aller mais il y avait ce bus et alors il ne passait pas.
alors les deux pieds sur le bord du trottoir, j'ai fredonné I'll follow you tonight
sans les mots d'anna juste la mélodie. calmement.
je fredonnais sans hausser la voix, à peine ce qu'il fallait pour qu'il entende.
je pense que de toutes façons il entendait tout bien mieux que moi.
j'ai laissé la mélodie s'installer il a tourné la tête et j'ai bien cru
qu'il me voyait pour de bon. qu'il aurait pu regarder ma jupe et mon gilet.
j'ai laissé la mélodie s'installer et j'ai commencé à marcher.
je suis passée sur la droite. j'ai contourné le bus, et il m'a suivit.
jusqu'au trottoir d'en face. et une fois de l'autre côté.
une fois de l'autre côté j'ai cessé de chantonner.
j'ai cliqué sur pause, et il a dit Merci madame.