Mercredi 15 août 2007 à 20:12

Max est rentré de colo. De sa colo de concours de harissa avec Léa la parisienne qui passe en quatrième. Lui il a même pas mentis sur son âge et il l'appelle tous les jours à la petite cabine téléphonique du centre car elle reste dix jours de plus.
Et même que la dernière nuit ils ont dormis dans le même lit. Et c'était pas un deux places. En plus c'est une vraie femme elle a ses règles car un jour aux toilettes elle a dit « ah meerde » et c'était même pas parce que il manquait du papier alors hein.
Aujourd'hui c'était piscine. Le soleil a fait sur ma peau le même effet que le micro-onde fait sur ma tartine du matin. Au moins trois teintes et des brouettes.
On a été chercher des framboises en passant par les chemins qui font que je dois la porter pour que ses sandalettes se prennent pas dans les cailloux qui font des trous dans le sol.
Ensuite on les a mangé enfin elle les a mangé moi j'en ai eu « pour goûter » j'avais pas le droit à plus. Ensuite elle a déterré des carottes, des bébés et des mamans carotte. Elle a mangé les bébés dès qu'on est arrivé. Ce sont des vacances enfants.

Mardi 14 août 2007 à 18:51

Ce soir lorsque je suis remontée, je pesais 130 kilos. La tête vissée vers le sol, les pieds comme des gros cailloux. 130 kilos non identifiables, comme des gros sacs de noir. J'ai traversé les champs et j'ai même pas fais attention à éviter les flaques. J'ai marché dans la boue qui me faisait des échasses molles sous les tongs. J'ai eu envie de m'enfoncer dans les rangées de maïs jusqu'à me perdre. J'ai eu envie de me perdre et je me suis demandée si c'était encore possible, de se perdre à l'âge de 17 ans, dans des rangées. Je suis passée devant ma petite crèche où j'ai travaillé au mois de juillet. J'ai pensé à ces femmes toutes enfermées à l'intérieur, l'une attachée au four et aux compotes de pommes, l'autre aux lingettes et au désinfectant, l'autre aux tétines et aux doudous. Elles me parlaient de leurs maris à la pause déjeuner, à côté du micro-onde où l'on faisait la queue. Elles me parlaient de leurs enfants, de la rentrée, des problèmes, de la mairie, j'avais envie de leur parler de plein d'autres choses moi. Je suis passée à côté de la petite crèche et j'ai eu envie d'aller les chercher, mais je suis plutôt rentrée. Aujourd'hui, Camille m'a dit attend je reviens, et lorsqu'elle est revenu elle avait démissionné.

Dimanche 12 août 2007 à 12:24

Au loin les bruits du coup de balais sur la terrasse. J'étais dans cet état de demi sommeil où l'on entend encore tous les sons sans parvenir à les analyser. J'étais fatiguée. Fatiguée de la veille.
Ca avait commencé par un petit post-it à l'entrée de l'immeuble avec le code de la porte à mon attention. Camille m'attendait avec le ventre aussi serré que le nœud d'une corde d'escalade au moment où l'on s'apprête à grimper.
J'ai mangé des biscottes assise sur le bord de son futon, j'ai finis par lui en tartiner une. Elle glissait de droite à gauche dans le salon oscillant d'une pièce à l'autre et l'on a finis par trouver la sortie.
Il y avait Quentin le donneur de rires et de smarties. Camille, son ventre et son appareil, et moi, qui n'avait pas le droit à la parole.
On a gambadé dans la ville jusqu'à la marchande de tartes salées qui nous a régalée les papilles. Puis sous prétexte de tester le nouveau canapé nous nous sommes affalés devant une émission de filles.
Il était très tôt lorsque j'ai repris le bus, une heure que je n'avais encore jamais goûté un dimanche matin. Une heure où le soleil n'atteint rien car il est encore bien trop prêt du sol. Une heure où tout semble encore tout neuf, où rien n'a encore été touché, comme lorsque l'on entre dans une maison qui vient tout juste d'être lavée. Ca sentait le propre dans la ville.

Vendredi 10 août 2007 à 17:50

En primaire il y avait le Petit Quotidien. Alors chaque jour, un élève emportait le Petit Quotidien chez lui pour le ramener le lendemain.
Je me souviens de cette fois, cette fois où à la une, l'article traitait du divorce, cette fois où le maître avait demandé à tous les élèves dont les parents étaient divorcés de lever la main. J'avais subitement été effrayée, comme agressée, comme si on me prenait en traître pour avouer une faute que je n'avais pas commise, j'aurais voulu crier « Ce n'est pas moi, je ne suis pas la coupable, c'est injuste ! » J'avais subitement eu honte. Honte que l'amour de mes parents à moi ne puisse pas durer aussi longtemps que tout ceux qui gardaient la main bien baissée.
Moi j'étais dans l'entre-deux. Je ne savais pas ce que je devais faire. Il n'était rien précisé pour les parents qui sont en train de divorcer. Quand on croit encore que tout est possible. Quand au dîner, on est encore quatre, plus pour très longtemps, mais pour le moment, si.
Je me suis demandée ce que le maître allait bien pouvoir faire de tous ces enfants de parents divorcés, allait-il faire une section spéciale dans la classe, un petit périmètre avec un panneau faire attention. Alors il m'aurait placé entre les deux en me demandant chaque matin avec un regard complice où en était notre petite transition, si c'était aujourd'hui qu'il faudrait changer de place ma chaise et mon bureau d'écolière.
Alors ce jour là, j'ai laissé mes mains sur mes genoux.

Jeudi 9 août 2007 à 13:20

          Il vient la rejoindre s'assoit à califourchon face à elle et sort de son sac à dos un vieux lecteur de cassettes audio. Quelque chose de très rectangulaire comme une brique de beurre avec deux écouteurs. Elle se moque un peu il lui explique que là-dedans, la musique n'est pas la même. Qu'on a l'impression d'y être, de courir entre les notes et de s'allonger de tout son long sur les paroles des chansons, aussi confortablement que sur un gros galet, pour se laisser couler jusqu'à l'origine même du son. Comme si nous nous trouvions à l'intérieur des instruments.

          Ce garçon est un petit air d'harmonica. Il l'émeut.

          Il glisse un écouteur dans une de ses oreilles, garde le deuxième pour lui et enclenche la musique. Celle de l'Etrange Noël de Mr. Jack. Elle ferme les yeux et semble sentir venir la neige. La première neige, celle qui étonne. Elle la sent de loin car avant son arrivée il y a toujours cette fine odeur d'avant la pluie. Elle voit soudain valser les flocons au rythme de sa respiration comme si ses émotions influençaient jusqu'à la nature. Elle chante des bouts de ce qu'elle entend. Des petits morceaux de phrases qu'elle sauve de la chanson pour les répéter à voix haute.
- Que vois-je… du rouge... bleu du vert. Que vois-je… des flocons blancs dans l'air…

          Il attrape un petit sourire amusé sur les lèvres. Il la regarde chanter les yeux fermer et se dit que si elle continue à se débattre avec toute cette neige elle va finir par attraper froid. Il se demande également si c'est ça, la magie.

          Cette fille est un flocon qui valse au rythme d'un petit air d'harmonica. Elle l'émeut.

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