Mercredi 19 septembre 2007 à 19:20

                          Je suis partie de la maison en additionnant dans ma tête les heures de classe de la journée à venir. Beaucoup trop de mathématiques pour un mercredi, beaucoup trop de physique et beaucoup trop de chimie. On m'a dit "Le mercredi c'est pas le jour des enfants normalement?". Si si, mais c'est finis les frites chez la nounou une semaine sur deux et les disputes pour la table de ping-pong. Finis finis. Maintenant mon après-midi est rongé par une armée d'ellipses et de paraboles qui me narguent en faisant des pirouettes sous mes yeux à demi-clos. Les matins ont un goût de mister-freeze, la froideur d'une paire de mains que l'on laisse immobile sur un rebord de fenêtre, d'un bout de nez qui sort le premier par la porte d'entrée. Je suis grise, marron et noire. Je suis pâle beige et sans couleurs. Je pars avec de l'eau dans les cheveux qui font comme des petits glaçons le temps d'arriver au lycée. Puis je glisse de salles en salles neutre comme mes vêtements. C'est la naissance de l'hiver jusqu'en fin de matinée alors quand les petits glaçons fondent totalement j'éclaire mon visage de rouge de vert et de bleu, sauf le mercredi biensûr. Le mercredi est un jour à glaçons du matin au soir. Je ne glisse pas je m'étale, je me confonds avec les murs le sol. Je m'endors la tête en forme de coin de bureau. Mais demain ce sera bien.

Mardi 18 septembre 2007 à 23:04

Le tram roulait vers Camille j'avais rendez-vous pour 18h09.
Elle est arrivée à 14 avec sa pochette orange sous le bras.
En tee-shirt dans le grand vent alors je lui ai dis de mettre un pull,
sur un ton de maman. On s'est réfugiées dans le mac do pour
partager ma pièce en deux cheeseburger du goûter. On s'est assise
sur les tables qui bordent les fenêtres et donnent sur la rue.
Alors elle a posé la pochette sur la table et a sorti le journal.
Moi le clown en deuxième page et le petit nom de Camille sans
faute juste à côté à la vertical. Elle était plus fière qu'un oisillon
qui s'envole pour la première fois et elle faisait les mêmes pépiements.
Et moi je me disais que si elle me laissait cet exemplaire il ne m'en
restais plus que 9999 à trouver et à brûler un par un. Mais à voir
sa tête ça m'a disuadé.

Lundi 17 septembre 2007 à 21:32

_Lou tu as un amoureux?
_Oui! Léo!
_Il est blond Léo?
_Oui!
_Il a les cheveux de quelle couleur?
_Noir!

Dimanche 16 septembre 2007 à 22:13

Au petit déjeuner, on mange des ronds sur le ponton méditerranéen.
Des ronds de bols des ronds de verres, des ronds de pots de confiture.
Rien que des ronds comme des petits boutons de chemise ou des points
de coccinelle. Je voudrais venir prendre tous mes petits déjeuners de toute
l'année sur le ponton méditerranéen. Car il y a le soleil, lorsque chez vous il
pleut ou il fait gris, sachez qu'il est labas, juste au-dessus des lattes en bois.
Ou au dessous, mais il est là, toujours là. Lorsque je viens m'asseoir sur le
bord, les doigts de pieds qui touchent les premières herbes, il fait chaud.

Samedi 15 septembre 2007 à 10:17

- Qu'est ce que vous étudiez ?
- Les mathématiques, je n'ai pas tout bien compris.
Il était venu s'asseoir quelques minutes auparavant. Concentrée dans mes paraboles je n'avais tout d'abord pas alors levé le nez. Et puis je m'étais un peu décalée vers le bout du banc pour lui faire de la place.
- Laissez laissez !
Et je n'avais plus pu me concentrer. Je lisais les pages posées sur mes genoux sans comprendre. Il était si proche, quinze centimètres peut-être. Il n'y a que dans le tramway que l'on est si proche des gens, à condition de prendre celui de 7 :30. Là je me sentais comme chez le médecin, comme quand on s'approche trop près. Qu'on dépasse tout juste la limite.
Le vieux monsieur laissait traîner ses yeux sur les lignes de mes cahiers. Et je me disais qu'il débordait peut-être sur mes genoux. Sans le faire exprès, mais j'imaginais qu'il débordait et passait du haut de la page à mes genoux. Ou peut-être qu'il regardait juste les paraboles.
Il ne parlait pas, il avait un dictionnaire posé sur les jambes. Sûrement au cas où tout à coup il ne comprendrait pas un mot. C'est étonnant, de se ballader avec un dictionnaire, est-ce que si quelqu'un vous dit un mot que vous ne comprenez pas, vous irez chercher dedans? Devant lui? Je suis restée une demi-heure. Je n'osais même plus regarder l'heure. J'étais la tête vissée en direction de mes pages de mathématiques devenues des pages de numéros.
Le temps était aussi lent qu'en hiver mais les couleurs plus jolies. Puis une dame est arrivée. Une femme même. Petite avec le dos en C. Le dos en fauteuil boule. Avec un gilet à fleurs par-dessus. Et elle est venue d'asseoir là, dans les quinze centimètres entre le vieux monsieur et moi. Alors je me suis redécalée encore plus loin sur le banc.
- Laissez laissez !
Mais je me suis quand même décalée car elle était plus large que quinze centimètres et même si elle avait fait tout juste quinze centimètres, elle m'aurait touché.
- Le coiffeur était pas si long que ce que je pensais, en sortant je lui ai dis Je crois que mon mari est sûrement au jardin de ville.
- Où voulais-tu que j'aille, j'ai été acheter un dictionnaire pour Marie et je suis venu ici, c'est bien là qu'on est le mieux.
Ils sont partis les premiers.
- Travaillez bien mademoiselle !
Et ils se sont même pris la main.
Et je n'ai plus pu me concentrer.

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