Sans-queue-ni-Tige

J'ai bien cru que je discutais avec elle.
je ne sais pas, quand elle s'est assise là en face de moi, je me suis dis directement
elle doit sûrement être assez éteinte et sans doute même ne plus écrire.
elle avait des cheveux roux, au carré, tenus par une petite barette, un peu crépu, pas vraiment beaux.
elle n'était pas toute jeune non plus.
une écharpe autour du coup, elle s'est assise je me suis dis, elle est sombre
jusqu'au moment où j'ai aperçu les pétales.
les pétales roses dans ses mains. Je les ai vu lorsqu'elle a porté ses paumes à son nez
pour renifler les petits bouts.
J'ai regardé par la fenêtre et j'ai vu un peu loin, les fleurs roses en question pas loin de l'arrêt.
elle n'avait pas cueilli une fleur, non, seulement piqué quatre cinq pétales pour les sentir
tranquillement sur son siège.
elle me regardait chercher au-dehors et lorsque mes yeux se sont reposés
sur son visage, elle m'a souri doucement.
elle a ouvert son petit sac et elle a laissé tomber les pétales à l'intérieur.
je dis tomber, c'était pas enfoui, elle a pas enfoui les pétales, elle les a laché à quelques centimètres
ils ont eu le temps de virevolter et de disparaître dans le tissu.
elle avait l'air satisfaite. et super lumineuse.

à gauche, c'est une image de design sponge. et à droite quasi le même miroir
qu'au dessus de la cheminée de gauche.
déniché à la brocante de ce matin pour quelques menues piécettes.
je me demande quelle couleur lui correspondrait, j'aimerai m'armer de mes pinceaux
et faire des bidouillages. des mimis trucs. le rendre moins Louis De La Tourpillère,
un peu plus Jessica Lisse. Bon, je verrais.

je me souviens d'un jour, où je n'avais encore lu aucun roman.
sans doute des petits livres, ou alors juste regardé les images, je ne me souviens plus si je savais lire.
il y avait maman, elle lisait proche de moi, un livre, ce qui m'impressionnait, c'est qu'il avait une épaisseur.
sans doute petite, mais une épaisseur quand même.
je me souviens qu'à ce moment, je regardais le bouquin en pensant exactement
"si je le lisais, je ne comprendrais pas un seul mot"
je pensais que les livres pour adultes étaient des choses impénétrables.
que dans les romans, il y avaient des mots inconnus, un langage secret pour grands.
totalement incompréhensible.
et puis elle m'a dit "tu veux que je te lise une page?"
j'ai dis oui et elle a lu.
ça parlait d'une femme qui marchait dans la rue, et qui montait sur une moto,
ça parlait de trottoir, avec des mots complètement normaux.
sur le coup, je me suis dis qu'on bernait les enfants, qu'en fait, les adultes
lisaient aussi des livres pas compliqués.
j'ai même pensé que maman devait sûrement être en train de faire quelque chose d'interdit,
en me lisant la page.
je me suis dis en fait, les grands lisent des livres d'enfant.