Samedi 16 août 2008 à 19:35

Dimanche 10 août 2008 à 0:18

                       

                         Avant de partir de chez papa j'ai trié ma chambre. il fallait bien le faire un jour. Tout trier, répertorier l'ensemble de mes 18 années en deux catégories, les "à garder" et les "à jeter". La première catégorie trouvant sa place dans des cartons bien scotchés, la seconde dans des sacs poubelle. J'ai attaché beaucoup d'importance à ces objets qui se trouvent maintenant dans le local poubelle en face de la maison. J'ai relu toutes les lettres, même les joyeux noël, les menus de mariage vieux de plusieurs années que je gardais pour la beauté du petit dessin pailletté en haut à droite des entrées, j'ai tout relu, les cartes des copines rencontrées en colonie, quand on se promet de revenir l'année suivante, quand on se donne des surnoms de goûter au chocolat, j'ai relu les cartes des anniversaires, avec les "PS: Je te joins un petit chèque pour que tu puisses t'acheter ce que tu désires." lorsque la famille habite loin. J'ai rempli des sacs entiers de magasines, de dessins, de peintures, de chaussures, de bibelots inutiles, de fringues immetables. Je regardais chaque chose longuement en tentant de me convaincre que si je n'y avais plus touché depuis des années c'est qu'il y avait peu de chance que j'en ai besoin suite au déménagement. Et puis je suis tombée sur mon journal. Un truc que j'avais commencé à écrire au collège lorsqu'il y avait encore Sylvie à la maison. Il était au fond de ma boîte secrète protégée par un cadenas. J'avais décoré la couverture, à la peinture et au collage, la couverture était toute raide et lourde. Je l'ai ouverte et j'ai retrouvée mon écriture de l'époque, il y avait aussi quelques photos, et des mots de copines, que je collais régulièrement. Mes textes étaient destinés à un lecteur inconnu, je racontais ma vie en l'interrogeant à de nombreuses reprises pour m'assurer de ne pas parler dans le vide, mes phrases commençaient souvent par "Je ne sais pas si tu connais ceci, ou cela, mais hier...". J'ai relu énormément de pages, presque 200, assise entre deux sacs poubelle. Et lorsque cela devint trop douloureux, je le jetai dans l'un d'eux. Ce n'était pas tant mes propos ou ce que je racontais dans ce cahier qui me faisait souffrir, mais plutôt le fait tout simple de relire mes mots et de constater la distance parcourue depuis 5 ou 6 ans. Bien que certains passages sur mes amours secrets me firent bien rire. Plutôt mourir que de m'avouer attirée par qui que ce soit. Maintenant ma chambre est vide, la poubelle du quartier renferme ma vie, je me suis fais la réflection en y jetant le dernier sac, il y a dans cette poubelle plus de choses de moi-même que l'on ne pourrait en trouver dans nimporte quel autre endroit. Tous ces souvenirs restent au fond de moi et je suis maintenant prête à accueillir une foule de découvertes. Je crois bien que c'est le premier jour du reste de ma vie.

la photo a été prise par Alex, on sortait du Ciel.

Vendredi 8 août 2008 à 20:32

photos prises par tata Valou
http://www.valerie-archeno.com

Jeudi 7 août 2008 à 0:02

En quelques minutes j'avais pris conscience
que j'aurais pu rester des jours entiers, assise avec lui à cette terrasse
dans cette petit rue pavée
j'ai d'ailleurs répété plusieurs fois que je me croyais en vacances
j'étais en vacances, mais ça voulait dire ; à l'étranger.
ils ne faisaient pas restaurant, pourtant je n'avais qu'une envie
c'était de rester, de seulement demander quelque chose à manger
de demeurer face à lui, avec les musiciens sur la gauche,
qui ne se serraient pas arrêté de jouer pour demander de la monnaie.
j'ai levé la tête pour regarder l'immeuble, ou le ciel,
et j'ai vu ce nuage qui tentait d'entrer par la gouttière
ou les volets entrouverts.
la photo dégouline de bien-être, elle ressemble au bonheur.

Mardi 5 août 2008 à 20:40

Je me souviens très bien de ma toute première visite chez la psychologue. Elle s'appelait Pâquerette. Je devais avoir une dizaine d'années, j'ai tout de suite pensé que si elle avait un prénom si original (je n'avais jusqu'alors jamais rencontré personne qui s'appelait ainsi), c'était que tous les psychologues avaient des prénoms de la sorte. Et que ses parents avaient su, bien avant sa naissance, qu'elle effectuerait ce genre de métier. J'avais pensé tout cela dans le cabinet du docteur qui m'avait tout d'abord parlé de mon poids, puis du fait qu'il serait peut-être bien que je consulte une psychologue, avant d'ajouter qu'il en connaissait une très bien, une Pâquerette. C'était pendant le divorce. Ensuite je me souviens du trajet en voiture, du fait d'avoir conscience d'aller quelque part pour faire quelque chose dont j'ignorais absolument tout, de rouler en direction de quelque chose de totalement inconnu. J'étais malade, j'avais un rhume depuis plusieurs jours, un rhume qui faisait pleurer mes yeux à chaque fois que je toussais, je me souviens de papa qui m'avait dit en rigolant de bien préciser à Pâquerette que je ne pleurais pas de tristesse mais seulement à cause de la toux.
Il m'a déposé dans le bureau face à elle sur le siège du patient, puis elle lui a demandé de retourner dans la salle d'attente. Je me souviens avoir pensé que je devais vraiment montrer à cette femme qu'elle ne perdait pas son temps. Que je devais être à la hauteur, avoir mon lot de problèmes. J'ai soudain eu peur qu'elle rit, qu'elle se dise que j'étais rien qu'une petite guimauve pleurnicharde, qu'elle me demande de ne pas revenir. Elle ne disait rien, je me préparais dans ma tête, je cherchais ce que je devais dire. Elle m'a demandé ce qui m'amenait ici, elle m'a demandé de lui raconter quelque chose, sans me poser de question plus concrète. Je trouvais déjà cela trop difficile. Alors je n'ai rien dis, je me demandais si elle voulait du tragique, j'avais peur de parler, peur qu'elle m'interrompe pour que je recommence, peur qu'elle me dise qu'elle attendait autre chose de moi, qu'elle attendait de la souffrance, du tabou, des choses impossibles à dire. J'ai commencé à pleurer. Elle a sorti la boîte de mouchoirs du dessous du bureau, j'ai pensé, à cet instant, qu'elle l'avait préparé pour moi. A la seconde suivante je réalisais qu'elle achetait ses mouchoirs au supermarché et qu'ils étaient destinés à tous ses patients. J'ai pensé qu'en pleurant ce serait plus facile, qu'elle dirait quelque chose, ou qu'elle me prendrait dans ses bras, car c'était une femme.
Une femme un peu ronde, un peu rousse, elle me faisait penser à une maman, à une maîtresse, à une dame qui a de la pitié, qui est sensible aux larmes. Mais elle ne l'était pas, elle me regardait de la même manière qu'à mon arrivée dans le bureau. J'ai reniflé et lorsque je pus enfin parler je me souviens avoir dis calmement « Mon père frappe ma mère. » Je mentais en me disant « Pourquoi pas. », je n'avais rien à raconter alors j'inventais, ça collait aux larmes, ça collait au bureau, à son métier, au rendez-vous. Je me sentais bien d'avoir quelque chose que je trouvais grave à raconter. Ca ne lui faisait pas plus d'effet que si je lui avais décris de quoi était composé mon petit déjeuner. « Mon père frappe ma mère et ma mère pleure. » Elle ne bougeait pas un sourcil. J'imaginais papa dans la pièce à côté, qui attendait la fin du rendez-vous, peut-être était-il sortis se balader, boire un verre dans la rue. Et puis soudain, elle a parlé. « Et qu'est-ce qui te fait le plus souffrir, d'entendre les coups, ou les pleures de ta maman ? ». « Les coups. » J'avais mentis une première fois, je mentais une seconde fois. Je savais par-dessus tout que les pleures de maman ou ceux de papa étaient les choses au monde qui me faisait le plus souffrir, c'étaient de ces instants ou j'avais l'impression qu'ils n'étaient que des petits enfants, qu'après ça ils ne pourraient plus jamais me consoler, puisque eux aussi, étaient capables de pleurer. A la fin de l'heure, j'avais honte de mes joues rouges devant papa, et honte de montrer papa à Pâquerette, de l'avoir accusé à tort, pour me sentir captivante.

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