Avant de partir de chez papa j'ai trié ma chambre. il fallait bien le faire un jour. Tout trier, répertorier l'ensemble de mes 18 années en deux catégories, les "à garder" et les "à jeter". La première catégorie trouvant sa place dans des cartons bien scotchés, la seconde dans des sacs poubelle. J'ai attaché beaucoup d'importance à ces objets qui se trouvent maintenant dans le local poubelle en face de la maison. J'ai relu toutes les lettres, même les joyeux noël, les menus de mariage vieux de plusieurs années que je gardais pour la beauté du petit dessin pailletté en haut à droite des entrées, j'ai tout relu, les cartes des copines rencontrées en colonie, quand on se promet de revenir l'année suivante, quand on se donne des surnoms de goûter au chocolat, j'ai relu les cartes des anniversaires, avec les "PS: Je te joins un petit chèque pour que tu puisses t'acheter ce que tu désires." lorsque la famille habite loin. J'ai rempli des sacs entiers de magasines, de dessins, de peintures, de chaussures, de bibelots inutiles, de fringues immetables. Je regardais chaque chose longuement en tentant de me convaincre que si je n'y avais plus touché depuis des années c'est qu'il y avait peu de chance que j'en ai besoin suite au déménagement. Et puis je suis tombée sur mon journal. Un truc que j'avais commencé à écrire au collège lorsqu'il y avait encore Sylvie à la maison. Il était au fond de ma boîte secrète protégée par un cadenas. J'avais décoré la couverture, à la peinture et au collage, la couverture était toute raide et lourde. Je l'ai ouverte et j'ai retrouvée mon écriture de l'époque, il y avait aussi quelques photos, et des mots de copines, que je collais régulièrement. Mes textes étaient destinés à un lecteur inconnu, je racontais ma vie en l'interrogeant à de nombreuses reprises pour m'assurer de ne pas parler dans le vide, mes phrases commençaient souvent par "Je ne sais pas si tu connais ceci, ou cela, mais hier...". J'ai relu énormément de pages, presque 200, assise entre deux sacs poubelle. Et lorsque cela devint trop douloureux, je le jetai dans l'un d'eux. Ce n'était pas tant mes propos ou ce que je racontais dans ce cahier qui me faisait souffrir, mais plutôt le fait tout simple de relire mes mots et de constater la distance parcourue depuis 5 ou 6 ans. Bien que certains passages sur mes amours secrets me firent bien rire. Plutôt mourir que de m'avouer attirée par qui que ce soit. Maintenant ma chambre est vide, la poubelle du quartier renferme ma vie, je me suis fais la réflection en y jetant le dernier sac, il y a dans cette poubelle plus de choses de moi-même que l'on ne pourrait en trouver dans nimporte quel autre endroit. Tous ces souvenirs restent au fond de moi et je suis maintenant prête à accueillir une foule de découvertes. Je crois bien que c'est le premier jour du reste de ma vie.
la photo a été prise par Alex, on sortait du Ciel.
Ton texte m'évoque tellement de choses, il est juste de finesse, il décrit ce que bien beaucoup de personnes sont amenées à faire un jour et pourtant, il y a ces petits grains, et ces jolis mots par ci par là, qui font que c'est le tien comme ça pourrait être celui d'un ou d'une autre.
Mais il a ça, il est joli et il se lit comme on avale d'un trait une boisson favorite.