Dimanche 16 décembre 2007 à 22:59

La gare de Grenoble le samedi c'est un peu comme les galeries Lafayette en période de soldes. J'arrive entre tous ces gens, me faufile, et quand ça bloque j'attends que ça bouge, « Elle ne sait pas dire pardoon. » comme dit Gwen. Les composteurs sont en panne, je garde mon billet dans la petite enveloppe tout proche de la carte famille nombreuse. Je suis venue seule. Je porte mon petit sac d'école avec pyjama et brosse à dents. Rien d'autre, pas de valise pas de serviette de bain ni de pull, pas de rechange, pas même de paires de chaussettes supplémentaires. Je suis là comme si je sortais de l'école ou comme si j'y allais, Là en vadrouille un peu à la bourre comme si je passais dire bonjour. Les autres sont encombrés sous des choses lourdes et à roulettes. Je regarde le panneau d'affichage, le mien est le tout premier de la liste des départs et déjà à quai. Je me demande si j'ai assez de temps pour m'acheter un magazine avec les sous pour la bouteille d'eau. Lorsque je le vois. La tête fatiguée, je sais qu'il est proche du sommeil, pas vraiment loin de son lit, il a les neurones encore sous la couette. Il vient d'entrer dans la gare. Je ne m'y attendais plus, je crois qu'il me cherche du regard, s'approche du panneau d'affichage. Direction Paris Gare de Lyon en voix E, il entame l'escalier pour me trouver. Je fais claquer mes talons juste au derrière de ses pieds, il se retourne. J'aime les bisous de gare lorsque le train siffle, lorsque la porte se referme, lorsque le démarrage me fait trébucher. Je suis en 102, côté couloir, duplex du haut. Finalement je change pour la 116-117, qui me permet même de m'allonger. Ma tête dépasse légèrement dans le couloir, les pieds sur la mini poubelle collée en dessous de la vitre. Je vois rien qu'un homme un peu plus loin avec d'immenses oreilles grandes comme des demies assiettes à dessert. Sur la tablette je fais un dessin pour Mamie demain midi, à droite le jeune homme regarde quelquefois ma main qui s'affaire sur le papier et lorsqu'il s'étire les bras alors il penche encore plus la tête et je pense que là il voit mon dessin en entier. J'aimerais lui dire que j'ai compris la combin'. J'ai une place au soleil, les genoux à la limite, les pieds à l'ombre, le dessin, ça dépend. Trois heures et le train s'arrête. Le rendez-vous gare est toujours au Train Bleu. Je longe le quai pense que c'est la toute première fois que je fais tout ce chemin rien que pour un soir. Que c'est la première fois que je n'ai pas de valise. C'est étrange un Grenoble-Paris rien que pour des mots écrits il y a longtemps, rien que pour des mots qui parlent de valse et de petit air d'harmonica ; imprimés en six exemplaires, agrafés, envoyés sans trop y croire et vite oubliés. Je me souviens de cette matinée, ce samedi matin d'il y a plusieurs semaines où une femme parlait du Prix Vedrarias sur mon répondeur, du prix, de la remise le 15 décembre, de ma venue, du jury. J'étais encore au lit ce samedi matin, je m'étais assise précipitamment sur le rebord, et avais écris le numéro dicté dans le message, sur la peau de ma cuisse, jusqu'à mon genou. Au marqueur, pour être certaine de ne pas le perdre. Il est resté une semaine complète.
J'ai mal au ventre depuis 9h du matin, je suis juste devant le Train Bleu, cherche Papi. Le 15, c'est ce soir et j'ai mal au ventre. Dans la voiture, on arrive, il me dit que la cérémonie c'est dans le bâtiment que l'on voit la bas derrière les guirlandes. Il est bientôt 18h, nous entrons, je dis mon nom. Je rencontre la dame du répondeur, celle qui m'avait fait écrire son nom sur ma jambe. Elle plonge sa main dans une enveloppe kraft et me tend un badge Jessica LISSE que je dois accrocher au tissu de mon tee-shirt. Dans la salle, le premier rang est pour le jury, le second, pour les lauréats et leurs proches, et le reste, pour le reste. C'est comme une grande salle de cinéma, avec des fauteuils mous, des rideaux noirs sur les côtés. Deux micros sur la scène, ça rassure, qu'il y en ait deux. Un petit pupitre. Lorsque le monsieur se lève j'ai assez peur, lorsqu'il dit mon nom, j'ai peur et lorsqu'il m'invite à le rejoindre j'ai les jambes comme deux chamallows. Il présente mon texte et me pose des questions. Je parle aussi de l'autre nouvelle, celle pour Filaplomb, je parle d'internet, de mon blog, de mes petites écritures, il me dit que ma nouvelle sera lue juste après, me tend mon petit paquet vert enrubanné et je retourne au fond de mon fauteuil mou de deuxième rang. Lue ? Lue devant tous ces gens ? Ma valse dite au micro ? Par qui comment. Moi j'aime que l'on voit les mots les lettres, les retours à la ligne, j'aime que l'on voit les petits dessins de l'écriture sur le papier, la disposition des pages, qu'on les tourne, les pages, avec les doigts. Elle est devant nous derrière le micro, elle lit d'abord la nouvelle du grand monsieur très grand au pull bleu, je me dis qu'après elle n'aura peut-être plus le courage de lire la mienne qu'elle dira qu'elle en a marre et qu'elle est fatiguée, qu'elle préfère rentrer se coucher. Mais non, et dès la première ligne je sais que ce sera fort. Elle parle comme une chanson. Elle chante, aussi, le petit passage du fredonnement de l'Incroyable Noël de Monsieur Jack, elle fredonne, avec l'air. La chanson exactement comme je l'avais moi-même fredonnée en haut de cet observatoire il y a huit mois maintenant. Je redécouvre mon texte, je suis plus touchée que pour quoi que ce soit, plus touchée que pour tout. C'est comme un cadeau, je n'ai plus peur, plus peur de tout ce que j'ai dit dans cette nouvelle, plus peur d'entendre ça et de savoir que tous ces gens en rangées l'entendent aussi. Je n'ai pas de bras tout proche à serrer, j'aurais du en prendre un sur Grenoble, un bras à serrer fort dans cette salle. J'écoute comme si je n'avais rien écrit. Ca ne m'appartient presque plus. Je ne sais même plus si le plus dur c'est plutôt de lire ou d'écrire tant je suis impressionnée par la voix de cette femme guidée par mes mots, elle tourne les pages sans bruit, poursuit jusqu'au « Je n'ai jamais embrassé une fille si haut. » le haut comme un caillou. Ils applaudissent. Oui c'était un merveilleux cadeau.
Puis suit le moment où je mange des macarons au chocolat pour la deuxième fois de ma vie. La première fois c'était avec Jess en sortant d'une pièce de théâtre. Aujourd'hui mon macaron fond entre mes doigts tant je parle et je n'ose manger en parlant. « C'est bien, ce que vous avez fait. » De ce moment je garde tant de choses gentilles, je regarde les adultes du bout de mon macaron, toutes ces personnes qui ont lus et écrit plus de livres que tout ce que j'ai à la maison.

Par .r.i.r.i. le Lundi 17 décembre 2007 à 11:06
Je me dis souvent que réussir une belle photo, ce n'est pas reproduire fidèlement ce que l'on a vu...
Réussir une belle photo c'est tenter d'offrir l'émotion et les sensations vécues lors de la prise de vue... Une belle photo touche, une belle photo parle, elle peut briller ou mouiller, elle nous couvre de vent ou de sons... éveille nos 5 sens...
Je me dis souvent qu'il n'est pas facile d'écrire les émotions et les sensations avec des lettres. Peu de monde semble pouvoir le faire; écrire l'ineffable !
Il est près de Grenoble une fille qui sait le faire !
Jessica, je suis content que tu aies été récompensée pour l'harmonica ! J'aime bien la bonne humeur qui sent les fleurs, mais ma préférée c'est l'harmonica !
Et toi ;)
Par Ailys le Lundi 17 décembre 2007 à 18:36
Je n'ai pas le temps de lire le texte, je passe juste en coup de vent, mais en tout cas, tu es toujours aussi jolie *o* -Jalouse- Huhu :) Gros bisoumiaou à toi petite Jessica.
Par filaplomb le Lundi 17 décembre 2007 à 19:16
C'est bien de sentir ce moment où le texte n'estplus son texte mais de la littérature, n'est ce pas ?
:-)))

Je suis fier que tu aies osé t'affranchir de Dame Timidité, sans t'enfuir ni rien. Remarque s'enfuir sur du chamallow, ce n'est pas facile !!!

Ils vont la publier cette nouvelle ?
Ou bien chez Filaplomb ? :-))))
Par Gracile le Lundi 17 décembre 2007 à 20:53
Je rêve ou tu as changé de tenue entre deux paroles?
Je suis contente pour ce prix, tu le mérites :)
Par Elliptique le Lundi 17 décembre 2007 à 21:05
Et non, elle était deux fois à l'honneur cette semaine, vendredi soir à Grenoble, pour ses talents graphiques, samedi soir à Paris pour ses talents littéraires.
Par arpenteur le Jeudi 20 décembre 2007 à 20:54
Je dis rien... parce que j'ai juste envie de sourire.
Rien d'autre.a
Par maurane le Samedi 22 décembre 2007 à 11:30
j'"aie penssée a toi ce jour la je me suis di kil i orai plin dadulte devan lékel tu devais parlé alors je me suis demandée si tu n'"avais ton ventre ki alais saracher de ton corps"
mai bon je sui contente ke sa se soi bien passé é pui ta pu manger d macarons c ke sa alais plutot bien^^

bonnes vacances
Par Sans-queue-ni-Tige le Samedi 22 décembre 2007 à 11:33
Mais j'avais bien mon ventre qui s'arrachait de mon corps!
du matin jusqu'au soir, et quand ce fut fini, toute la pression est retombée si vite,
que j'ai eu mal à la tête toute la nuit qui a suivi
il n'empêche que les macarons étaient excellents!
Par Sans-queue-ni-Tige le Samedi 22 décembre 2007 à 11:33
des bisous Maurane, bonnes vacances!!!
Par o0-SpiRaLe-ceRebRaLe-0o le Mardi 15 janvier 2008 à 20:36
Oh..
Grenoble..
 

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