Lundi 27 octobre 2008 à 12:56


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Cette semaine, c'est le stage en imprimerie.
J'écris donc, assise sur une énorme imprimante offset.
Mais ne croyez pas que la scène est aussi sexy et lourde de sous-entendus
qu'une secrétaire assise sur une photocopieuse;
l'imprimante mesure au moins quatre mètres de long
et fait le boucan de quinze tondeuses à gazon,
et moi je suis là, sur un cale-pieds recouvert d'huile.
Je finis ma journée dans dix minutes, c'est la première.
Le lundi, qui aurait du me faire mal à la tête et pourtant non,
c'est peut-être que je ne suis pas si mal ici.
Il faut dire qu'il y a des adorables monsieurs qui travaillent en short,
des presque papis qui m'expliquent l'entreprise comme s'ils racontaient
une histoire à l'un de leurs petits enfants.
Je crois qu'ils raffolent de ce qu'ils font et de me voir appuyer
sur les bons boutons après leurs explications.
Moi aussi ça m'émerveille un peu, toutes ces minuscules lettres en métal,
qu'ils alignent à l'envers sur les plaques qui viennent ensuite se presser contre le papier.
 
 
Puis nous sommes mardi, j'ose m'asseoir sur un coin de table qui semble propre.
et je sors mes crayons, mes feuilles.
alors toutes les dix minutes je me retrouve entourée de monsieurs
qui s'étonnent que l'on puisse trouver de quoi dessiner, ici,
dans l'encre et la saleté, qui sont touchés que l'on s'intéresse à leurs gestes
jusqu'à les coucher sur le papier.
J'entends des "Dessine Gilles, c'est facile il n'a même pas de cheveux!"
Ils font des pauses.
C'est une journée de portes ouvertes, il y a des costards qui se baladent entre les machines.
des hommes qui me serrent la main, qui croient que je m'ennuie,
que ce n'est pas le genre de place que j'aime.
Pourtant ce sont eux qui ne sont pas si drôles.
Moi je reste avec les shorts qui ont les mains sales, et se fait des pique-nique sur les feuilles A2.
Moi je mets les mains dans les couleurs et quand j'ose m'aventurer du côté des toast au radis,
je reste muette.

C'est presque la fin, et demain, je ne sais pas comment leur dire au revoir.
C'est bête, mais j'ai peur de partir, de voir midi arriver lentement sur l'horloge qui nous surplombe.
et sentir mon ventre. qui réfléchit, au moment où j'aurai à enfiler mon manteau
et à dire "Bon".
Ils m'ont déjà demandé si je reviendrai.
J'ai dis que oui.
Ils m'ont dit que les stagiaires disaient tous ça.
Les stagiaires ils disent tous ça, ils laissent leur numéro sur un bout de scotch,
ils le collent sur le mur, et ils reviennent pas.
Alors j'ai dis que je reviendrai pour leur prendre du papier.
Ils m'en ont déjà tellement offert que j'en ai cassé ma pochette à dessins.
C'est vrai que les murs sont recouverts de morceaux de scotch,
ils sont tous différents, mais ils ne se décollent pas.
Ils restent là à attendre que l'on ne les appelle pas.
Je sais que je ne laisserai pas le mien.


Par Iyhel le Vendredi 31 octobre 2008 à 23:44
Hmm, le souvenir de l'offset...
Rien que l'odeur de l'encre, ça vaut presque une madeleine de Proust. Ce parfum d'huile un peu minérale ou de gouache mutante qui évoque les nuits blanches, en petit comité, le chef, son Fuego à la main, qui ajuste la bête par petites touches ci et là ; moi, sur le cuttoir de compteur, quasi agenouillé devant la bête qui m'est étrangère, perdu entre la vénération et le décompte du tirage en cours.
Une odeur qui appelle celle du mouillant, et d'autres encore, la plaque qu'on grille...

Encore une magie en voie d'extinction.
Par clignotants le Dimanche 2 novembre 2008 à 21:00
La pertinence de chacun de tes mots me boulverse.
 

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