Deux femmes vertes pomme sur le quai. Qui font des allers-retour
sur elles-même en attendant le train. Elles rient comme deux amies
qui ne vont sûrement pas tarder à s'échanger leurs petits trucs de
la vie. L'une dit à l'autre qu'elle a repassé son jeans ce matin sur une
table l'autre dit à l'une qu'elle ne repasse jamais et que c'est bien.
Deux copines du train. Moi j'ai pas de copine du train. Quand j'arrive
le matin le quai est vide et rempli. Je marche un peu pour longer et
m'arrête. Personne ne me parle de fer à repasser et de brownies. J'ai
pas de copines de quai. Alors je fais des choses de train. Je regarde
ma forêt aux arbres fins et alignés qui penchent tous vers le sud et
au sol de mousse verte fluo, j'écoute de la musique et laisse mes yeux
plantés dans le message rouge qui défile en discontinu "Ce train est
à destination de GRENOBLE. Ce train est à dest..." Lorsque j'entre
dans le wagon tout le monde m'observe en priant pour que je ne vienne
pas m'assoir à leur côté. Les gens posent des sacs sur les sièges voisins.
Alors je choisis bien ma victime. Celle qui a le plus peur. Celle qui me
regarde le moins mais qui prie en silence pour rester encore tranquille
pendant 25 minutes. Je longe la rangée de fauteuils. Homme chauve.
Homme qui lit. Deux filles. Un sac rouge. Je trouve. Ce sera celui avec
les genoux légèrement remontés sur le dossier de devant. Je m'arrête.
Il décroche ses yeux de la fenêtre et tourne très doucement la tête dans
ma direction. "Bonjour je peux me mettre là?" Il force un sourire et murmure
un "Biensûr" avant d'enlever son sac du dessus du siège. Je m'assois et
savoure ma victoire.